lundi 15 juin 2015

L'hôtel particulier de la Païva

Un dimanche matin je me suis levée tout spécialement pour visiter l'hôtel particulier de La Païva, reconverti en club de riches, très rarement ouvert au public. 

Qui est la Païva ? 
Il n'existe aucun portrait officiel de la Païva qui a toujours refusé d'être peinte ou prise en photo. Un doute subsiste néanmoins sur cette photo que certains considèrent comme un éventuel clin d'oeil de sa part puisqu'on ne la voit que de dos. 
Photo google images
Petit résumé du personnage de la Païva:
Après avoir fui la Pologne pour éviter le massacre des juifs et gagné Paris, voyage qu'elle a financé grâce à son corps, Esther (de son vrai nom) est introduite dans le tout Paris par son 2ème mari. Une séparation et d'une escapade à Londres plus tard -qui lui a rapporté beaucoup d'argent- elle rentre à Paris et devient courtisane (poule de luxe qui choisit ses amants) et organise de somptueux dîners qui font jaser où se mêle le gratin du tout Paris masculin (Théophile Gaultier, les frères Goncourt, Chopin...). 

Mais lassée de n'être que courtisane, en mal de statut social elle décide d'effacer la dette du marquis de Païva à condition qu'il l'épouse et fasse d'elle la marquise de Païva. Ce mariage n'est bien sûr qu'un simulacre. Elle retrouve rapidement l'amour, le vrai, le grand, en la personne de Guido Von Donnersmarck, l'une des plus grosses fortunes du monde qui lui dit cette phrase: "Je dépose ma fortune à vos pieds".

Aussitôt dit aussitôt fait, en marquise de la Païva et femme richissime partie de rien, elle décide en 1856 de faire construire la plus belle demeure de Paris ! 

Et cette demeure la voici, c'est cet hôtel particulier situé au n°25 des Champs Elysées, légèrement en retrait par rapport au Bistro des Champs qui a grignoté sa cour d'entrée
Le grand portail passé, 
un couloir extérieur nous conduit à la demeure
Nous sommes époustouflés dès notre entrée dans le salon, par la hauteur des plafonds, les boiseries, les dorures... tout. Et encore le mobilier d'époque a été vendu aux enchères, c'était parait-il bien plus somptueux, la taille des lustres par exemple était multipliée par 4.
Détail très important: la Païva qui n'aimait pas faire comme tout le monde a supervisé toute la construction et la déco de A à Z et refusé tous les artistes en vogue du moment. Elle a engagé des artistes inconnus dont elle pensait qu'ils étaient capables d'une finesse de décor, et qui deviendront grâce à elle les artistes phares du 2nd Empire. Elle a entre autres lancé Rodin, qui a réalisé quelques moulures sur sa façade, son ornementiste deviendra plus tard celui du Louvre, et d'autres seront ensuite récupérés par Charles Garnier pour construire le célèbre opéra.
Sur les boiseries sont incrustées d'énormes plaques de Lapis Lazuli (pierre précieuse).
La pièce d'à côté qui parait immense grâce à un savant jeu de miroirs
est le petit salon de musique où se trouvait le piano sur lequel la Païva jouait pour distraire ses invités.
La salle à manger et son imposante cheminée
sur laquelle elle avait fait sculpter deux lionnes (que l'on retrouve également sur la façade) comme un rappel à son passé et un affront à la haute société, les lionnes désignant le plus haut statut chez les demi-mondaines (= putes de luxe).
Tout dans cet hôtel particulier a été fait à la main et sur mesure à la taille des pièces.
Un petit coin de cette salle à manger a été transformé en bar pour les membres du Traveller's club, club de riches qui a racheté l'hôtel. On peut encore y dormir mais il sert surtout à organiser des dîners très privés et des réunions d'affaires. Parmi ses membres: Charles Beigbeder (le frère de Frédéric) et la famille Rotschild.
La salle à manger donne sur un jardin d'hiver
et une grande cour intérieure aux meubles plus vraiment d'époque...
Puis vint le moment que nous attendions tous: celui de monter au 1er étage en empruntant le célèbre et imposant escalier en onyx jaune, apparemment unique au monde.
Au 1er une deuxième salle à manger
dont le plafond est une prouesse d'ébénisterie
Contrairement aux apparences cette pièce n'est pas la salle de prière de la Païva mais sa salle de bain. Le Traveller's Club recouvre cette baignoire d'assises en velours, j'imagine qu'ils doivent manquer de sièges pour leurs soirées, 
mais quel dommage de la recouvrir alors qu'elle a été taillée dans un cube d'onyx, qu'elle est carrément enchâssée dans le sol et qu'elle a été sauvée par miracle de la destruction.
Elle recèle également une cuve en argent ciselé
La baignoire comporte 3 robinets, qui en plus d'avoir fait couler de l'eau ont fait couler beaucoup d'encre. Certains curieux se demandant à quoi pouvait bien servir ce 3ème robinet ont fait courir le bruit d'un robinet à champagne. Il semblerait que ce soit plutôt un robinet qui servait à refermer la bonde de la baignoire discrètement et éviter le bouchon en liège d'époque. Pour en percer le mystère il faudrait tout casser.
Le décor de la salle de bain est de style mauresque, les carreaux viennent du Magreb et sont d'une couleur bien spécifique: le bleu de Deck. La Païva aurait grâce à cette couleur révolutionné les arts décoratifs. Les colonnes sont elles en agate massive.
La Païva a eu l'idée d'un combo rigolo, un lavabo qui fait cheminée !
Nous ne verrons pas les chambres, comme vous l'aurez compris elles sont réservées au Traveller's Club et après 2h30 d'immersion il est temps d'emprunter le couloir de sortie.
Je ne vous ai pas raconté tout ce que j'ai appris sur la Païva c'eût été trop indigeste, mais cette visite, quelle plongée dans le temps et cette Païva quelle femme !

8 commentaires:

  1. Très, très, très intéressant vraiment. Bravo pour cette belle découverte insolite !
    Grâce à toi, à nous les nouveaux mystères de Paris !
    Une Sanaryenne que tu reconnaîtras certainement.

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    1. Mais bien sûr chère Sanaryenne, ravie de savoir que tu as été intéressée par l'article alors que tu sais déjà tellement de choses ! Bisous.

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  2. ça rapportait à l'époque de savoir vendre ses charmes , Zahia peut aller se rhabiller!

    Sinon je suis tout à fait partante pour l'installation d'une baignoire avec robinet à champagne ...

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    1. Oui car pour info l'hôtel a coûté 10 000 françs or de l'époque (pas réussi à truver la conversion) et pour te donner une idée l'Opéra Garnier 33 000, alors oui Zahia peut aller se rhabiller elle n'est pas au niveau !!!

      Rajoute juste un robinet à la douche, c'est plus chic de se doucher au Champagne, là tu pourras dire qu'il coule à flots !

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    2. je vais faire faire un devis, je m'y vois déjà...

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    3. Faut que je te trouve un plombier homonyme de star comme l'électricien (désolé pour mes lecteurs,exceptionnellement c'est une private joke).

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  3. quand nous passions devant c'était toujours pour aller à la boutique du PSG ( pas loin) et poussée par mon mari qui n'avait que ca en tête ( oui je sais c'est affligeant , j'en conviens) et moi qui me suis toujours demandée quel était ce bâtiment, imaginant qu'il devait appartenir à un milliardaire saoudien .Grace à toi , je me coucherai moins bête désormais. Merci pour cette belle découverte

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    1. C'est déjà bien que tu aies remarqué le bâtiment apparemment plein de gens passent devant sans le voir. Et ça appartient à un club de milliardaires internationaux, t'étais pas loin du compte au final...

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